Rinus Van de Velde l’écriture figurative
Textes et sous-textes
Rinus Van de Velde, c’est la figuration hallucinatoire des rêves sous la forme de romans photos encombrés et chaotiques. La narration fonctionne dans son travail par sauts associatifs, condensations et déplacements, tout paraît « symbolique » et se déploie comme un récit où l’artiste se met en scène dans des autofictions décalées. Rinus Van de Velde se rêve une autre vie, héroïque, tumultueuse et périlleuse dans laquelle le peintre travaille suspendu à une corde incertaine tenue par un comparse douteux, il endosse aussi le rôle d’un détective atrabilaire, d’un tennis man en chambre, ou d’un joueur d’échec dont la partie semble avoir un enjeu dramatique.
L’impression générale, assez paradoxale d’ailleurs, est d’y voir une illustration de l’écriture figurative du rêve décrite autrefois par Freud, mais dans le cadre d’une pratique éveillée et inscrite dans la durée. Les toiles de l’artiste peintre belge sont comme des condensations intentionnelles et des déplacements mûrement médités, le contenu latent du rêve se dépose consciemment dans le discours manifeste illustré sur la toile. C’est la dialectique propre à la peinture, qui se donne en un instant, mais dont l’élaboration s’est longuement déroulée dans le temps, par intermittence, repentirs et ajouts. L’écriture figurative du peintre est cumulative, réfléchie, quand bien même le travail d’association puisse demeurer, au final, assez inexplicable.
Rinus Van de Velde et les prédelles
Rinus Van de Velde ne se contente pas de figurer des récits hallucinatoires et fortement connotés par le cinéma et l’expressionnisme allemand (Max Beckmann, Otto Dix, Jörg Immendorff et Neo Rauch) ou belge (James Ensor), il emprunte aussi à la peinture religieuse que l’on voit dans d’anciens retables. Les panneaux figuratifs d’un retable étaient souvent suivis d’images descriptives complémentaires et d’inscriptions placées dans la prédelle.
Or Van de Velde assortit la majorité de ses dessins au fusain de récits qui orientent la lecture du tableau, la prolongent, ou bien encore offrent au « regardeur » de fausses pistes, des alternatives improbables.
Pourtant, en y regardant de plus près, ces textes paraissent davantage relever de la voix off cinématographique que du commentaire. La voix du rêveur éveillé, qui projette sur la toile le chaos de son écriture figurative et associative, est presque toujours détachée du sujet, elle exprime des états d’âmes, des confidences à l’allure existentialiste ou ironiquement pataphysique.
Auteur : Thierry Grizard