Pixy Liao, la voix des corps
Une histoire de couple et de genres
Pixy Liao, est une jeune photographe chinoise, née à Shanghai, qui après avoir suivi un cursus universitaire aux Etats-Unis, s’est installée à Brooklyn. Elle dit avoir adopté la photographie comme outil d’écriture à la suite de sa découverte du film Blow-up d’Antonioni. Elle retient du cinéma et de la peinture que les arts visuels peuvent articuler un discours de manière parfois plus efficace que le langage lui-même. La peinture est en effet un moyen d’expression immédiat et synthétique dans sa résultante. C’est encore plus vrai de la photographie, qui permet de fixer visuellement des idées sans s’encombrer d’un long travail d’exécution.

Experimental Relationship
Pixy Liao débute il y a une dizaine d’années un travail de réflexion sur ce qui alors la préoccupait, à savoir la relation qu’elle inaugurait avec son compagnon Moro, plus jeune qu’elle et d’origine japonaise. Situation qui en Chine et de manière générale suscite souvent la désapprobation. Elle développera dès lors un projet critique partant de la mise en évidence des stéréotypes qui peuvent gouverner la vie de couple, le genre, l’hétérosexualité jusqu’à des question plus larges sur l’intersubjectivité, les relations personnelles et sociales en général. Cependant la photographe chinoise choisira toujours de construire son projet, intitulé « Experimental Relationship », à travers le prisme privé et particulier de son couple.
“As a woman brought up in China, I used to think I could only love someone who is older and more mature than me, who can be my protector and mentor. Then I met my current boyfriend, Moro, who is five years younger than me…I felt that whole concept of relationships changed, all the way around. I became the person who has more authority and power.” – Pixy Liao, interview dans Lenscratch.
Cette façon de traiter d’un programme d’ordre plus ou moins conceptuel n’est évidemment pas nouveau, ni complétement original. L’art conceptuel lui-même et les mouvements artistiques proches, tel que Fluxus, ont tous fait de l’impact visuel un moyen de représenter des idées. La photographie qui n’était parfois qu’un moyen de fixer des performances visant à rapprocher, dans le cas de Fluxus, l’art du social et du politique, est devenu rapidement un langage propre permettant de construire visuellement des jeux de mots et d’idées. La particularité de Pixy Liao est de circonscrire sa démarche dans la sphère intime.

Les idées photographiques
Depuis les surréalistes, en passant par Francesca Woodman, Elina Botherus et Ren Hang, la photographie a articulé dans le champ des arts plastiques un univers bien particulier qui se caractérise fréquemment par le dépouillement et la rapidité de mise œuvre. Il y a en quelque sorte du point de vue de la photographie non documentaire et narrative deux grands axes, tous deux tributaires, quelque fois à leur corps défendant, de la peinture pour sa capacité à « raconter » en un seul plan un discours sophistiqué qui juxtapose la complexité et la temporalité d’une représentation.
Auteur : Thierry Grizard