Katinka Lampe ou le portrait des apparences croisées
L’exposition Crossed Wires en duo de Katinka Lampe et Janine Van Oene à la galerie Les Filles du Calvaire est l’occasion de revenir sur cette artiste qui — dans le sillage de Marlene Dumas — scrute les représentations collectives de l’adolescence en tant que moment vacillant d’identification.
Katinka Lampe, est née en 1963 aux Pays-Bas, son travail se distingue par une exploration pleine d’ironie des thèmes liés à l’identité, au genre et à la représentation. Diplômée de l’Académie Willem de Kooning à Rotterdam, Lampe a développé une carrière artistique impressionnante grâce à son approche novatrice de la peinture figurative.
Après ses études, elle a participé à plusieurs résidences artistiques importantes, notamment à la Rijksakademie van beeldende kunsten à Amsterdam, où elle a affiné son style. Lampe a commencé à exposer ses œuvres au début des années 2000 et a rapidement attiré l’attention pour ses portraits intrigants et profondément réfléchis.
L’œuvre de Katinka Lampe se caractérise par une juxtaposition intrigante de réalisme et d’abstraction. Ses portraits, souvent de jeunes modèles anonymes, dépassent le simple réalisme pour aborder des questions sociales et culturelles. Elle utilise des palettes de couleurs variées, parfois douces et subtiles, tendant dans certains cas à l’effacement — ce qui rappelle le travail de Luc Tuymans — parfois vives et contrastées, créant des compositions éclatées et fragmentées questionnant les représentations collectives touchant le paraître, l’appartenance au groupe, le désir d’assimilation ou de reconnaissance y compris dans le rejet ou la fuite. L’essentiel de la problématique de l’artiste repose donc sur la mise en évidence des signes de l’identification ou la différenciation, des conflits et contradictions que cela charrie.
Katinka Lampe utilise fréquemment des techniques de superposition et de masquage, créant ainsi des œuvres oscillant entre visibilité et invisibilité, construction et dislocation, suggérant par ce biais la multiplicité des identités et des expériences humaines. Cette approche rend ses peintures profondément ambivalentes, laissant toujours une part d’indéfini et de questionnement non résolu. La peinture de portrait n’est évidemment pas ici une représentation du modèle dans sa «vérité», mais dans une figuration des icônes, signes, adhésions et différenciations qui la diffracte plus qu’elle la «compose». Il n’y a pas d’unité ni du modèle qui a inspiré la toile — une photographie la plupart du temps, ce qui est significatif — ni de la figure, encore moins de sa «figure», pas davantage de la figuration.
Auteur : Thierry Grizard